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Le blog de Marc Jammet.

Une cité des cheminots dans le village de Gassicourt en 1856

23 Novembre 2022, 10:33am

Publié par Marc Jammet

Peu de Mantais le savent mais la gare de Mantes (Mantes-la-Ville plus précisément) au 19° siècle c'était la gare aujourd'hui dénommée Mantes-Station.

Ce n'est qu'en 1855 que la gare actuelle de Mantes-la-Jolie voit le jour ... sur le territoire d'une petite commune rurale, Gassicourt, qui de l'implantation d'une papeterie ("Braunstein" à l'emplacement actuel encore de Dunlopillo) et des cheminots va considérablement s'agrandir ... avant d'être absorbée par Mantes-la-Jolie.

Ci-dessous, petit bout d'histoire locale repiqué sur le blog de Roger Colombier.

 

Une cité des cheminots dans le village de Gassicourt en 1856

Dans ce département de Seine-et-Oise, les Yvelines en devenir, le village de Gassicourt est indépendant de la commune de Mantes-la-Jolie. Mais depuis le 3 mai 1843, le chemin de fer traverse son territoire pour relier Paris à la Normandie.

Outre quelques expropriations pour construire la ligne, la compagnie ferroviaire et des financiers ont acquis nombre de parcelles agricoles bien au-delà de la voie ferrée. Une aubaine, a-t-il semblé aux cultivateurs gassicourtois qui les vendirent 1000 F l’hectare ; or, au début du 20e siècle, elles reviendront 50 fois plus cher.

Dès 1855, après Mantes-Station sur Mantes-la-Ville, s'établissent sur Gassicourt une gare avec son triage, puis un dépôt de machines et ses ateliers. Débute alors la construction d’une cité des cheminots. Puis aux abords de celle-ci, se construisent d’autres lotissements à leur effet, dont une HBM au début des années 30.

La cité des cheminots

Les compagnies ferroviaires sont peu exigeantes dans le recrutement du personnel. Un examen médical est formalisé prouvant la robustesse du futur agent, ainsi que ses antécédents civiques et professionnels irréprochables ; elles ont également l'obligation d’embaucher d’anciens militaires, qu’elles affectent à des postes « exigeant autorité et respectabilité ». Or, elles ont besoin aussi d’ouvriers qualifiés pour conduire les trains et travailler dans les ateliers.

Pour stabiliser tous ses agents, qui pourraient partir vers des emplois industriels plus lucratifs, la Compagnie de l’Ouest fait édifier une cité pour les loger dans Gassicourt, dès 1856. Cette année, le recensement indique un bourg de 75 maisons pour 270 habitants et, à plus d’un kilomètre, de 3 habitations logeant 24 personnes. Ce lieudit est dénommé le Hameau de la station.

Les trois chefs de famille de cette petite communauté répondent aux priorités économiques de la Compagnie : exploitation de la ligne, production d’un profit par le biais du buffet de la gare et formation des recrues pour le dépôt :

     - Louis Duval, marié avec des enfants. Chef de gare, il a en charge l’organisation du trafic voyageurs et marchandises dans le Mantois.

     - François Grandjean, marié avec des enfants, Romain Brulet, célibataire, respectivement restaurateur et cuisinier du buffet de la gare. La Compagnie a passé une convention, contre un loyer et une part sur les bénéfices de l’établissement. Celui-ci occupe toute l’aile droite de la gare et accueille autant les voyageurs qu’une clientèle extérieure au chemin de fer.

     - William Wilson, Britannique, marié avec des enfants, maître de forge, et sa domestique d'origine britannique.

La formation des agents du dépôt lui est dévolue. Lui et sa petite famille n’apparaissent plus dans le recensement de 1861. Par contre à cette date, le lieudit est dénommé hameau de la cité Buddicom, fort de 18 maisons et de 74 habitants. Parmi eux, on dénombre des ouvriers du dépôt et des mécaniciens, terme pour désigner les conducteurs. Au chef de gare, se sont adjoints un chef de bureau, un chef de dépôt et son sous-chef.  L’effectif du buffet de la gare s’est renforcé d’un second cuisinier, d’un cafetier et de quatre garçons de salle, preuve de sa notoriété.

Une cité ouvrière constituée

Le premier exemple d’une cité ouvrière provient de Belgique, en 1850. Dans notre pays, la première s’établit à Mulhouse en 1853 ; trente-six ménages ouvriers, travaillant pour le même employeur, disposent de « trois pièces dont une à feu, d’une cave et d’un jardinet ». Louis Napoléon Bonaparte, alors président de la République, se fait traduire en 1850 l’ouvrage fondateur sur le système des cités ouvrières et leur hygiène, écrit par Henry Roberts. Mais aucune des normes prescrites ne sont imposées dans les cités se bâtissant en France, quand il se proclame empereur.

Le hameau va devenir la cité Buddicom au recensement suivant, mais pas pour honorer le constructeur anglais qui fournit, au chemin de fer, locomotives et matériel roulant. En effet, William Buddicom, industriel installé à Sotteville-lès-Rouen, est ni plus ni moins que le propriétaire du terrain sur lequel s’agrandit la cité. Et de faire prospérer son bien, en sollicitant le conseil municipal de Gassicourt, pour faire élargir les sentes en voies carrossables larges de cinq mètres. L’industriel britannique vend ses ateliers et toutes ses propriétés immobilières à la Compagnie de l’Ouest, dont il est actionnaire, en 1860.

Au fil des recensements, les cheminots vont déborder la cité primitive jusqu’à la place de la gare et dans le prolongement de la voie ferrée. En 1896, 376 habitants sont ainsi recensés. Mais en 1901, plus aucun recensement particulier n’est organisé. Gassicourt est alors d’un seul tenant depuis la mairie jusqu’à la voie ferrée.

Quelle est l’existence de ses habitants ?

Aucune chronique pour la décrire, mais la ville de Mantes-la-Jolie peste contre leurs logements insalubres qui « font baisser le prix de l’immobilier » dans la région. En effet, la cité subit l’outrage du temps, la Compagnie de l’Ouest étant fortement endettée à la fin du 19e siècle. Et une délibération municipale de Gassicourt l’exhorte à construire un réseau d’assainissement dans sa propriété. Le village en appelle au préfet, en 1890, l’ingénieur en chef des chemins de fer ne répondant jamais à ses courriers, car « la fontaine, établie par la Compagnie pour donner de l’eau à ses locataires, a un égout dont les eaux stagnent sous des émanations infectes, ce qui peut produire des épidémies ».

Autre visage des habitants de la cité, la description faite en 1899 par un instituteur sur les garçons fréquentant l’école publique. Il divise ses élèves en trois tiers : les fils des agriculteurs sont « dociles, bien élevés, d’intelligence moyenne et d’une bonne fréquentation ; ceux des papetiers sont « toujours abandonnés à eux-mêmes, souvent sans direction, peu travailleurs et pour la plupart indociles ; les enfants de cheminots sont « plus vifs et plus intelligents ; mais ceux-ci et la catégorie précédente« forment une population très flottante, fort nuisible à la marche des classes ».

Combien de cheminots dans le Mantois?

C’est la première corporation d’envergure établie dans le Mantois, d’abord dans une cité spécifique, puis qui déborde dans les rues et les communes voisines. Les archives concernant le personnel de la Compagnie de l’Ouest ont disparu. Mais par la presse de l’époque, l’on peut recenser le nombre d’agents du site ferroviaire. Le Petit Mantais, lors de la grève générale de 1910, cite 600 grévistes, pour une cinquantaine qui ne le sont pas. Le Journal de Mantes, relatant lui la grève de 1920, dit que 675 cheminots ont voté pour la reprise du travail et que 108 sont contre.

Ces archives disent aussi que les cheminots forment le premier syndicat de la région en 1890. En 1896, il se dénommé « groupe de Mantes du syndicat national des ouvriers et employés des chemins de fer », affilié à la CGT. En 1908, ce syndicat est à la fondation de l’Union fraternelle des syndicats ouvriers de l’arrondissement de Mantes, dont le premier président est employé de bureau à la Compagnie de l’Ouest : Auguste Goust, lequel deviendra maire de Mantes-sur-Seine de 1908 à 1940.

Les bombardements alliés sur le Mantois en 1944 ont détruit la cité des cheminots.

Une cité des cheminots dans le village de Gassicourt en 1856

Visages de la cité Buddicom: la passerelle la reliant au dépôt et aux ateliers sur les voies du Havre; la rue du Val-Notre-Dame qui jouxtait cette cité.

Une cité des cheminots dans le village de Gassicourt en 1856
Une cité des cheminots dans le village de Gassicourt en 1856
 

 

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