Percée historique du Parti communiste japonais avec 12 % des voix et 21 députés
Percée historique du Parti communiste japonais avec 12 % des voix et 21 députés : son deuxième meilleur résultat depuis 1945 !
Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
Dans la deuxième puissance capitaliste au monde, le soleil qui se lève est rouge écarlate. Le Parti communiste japonais vient d'obtenir un des meilleurs scores de sa longue histoire, il est aussi le parti qui connaît la plus forte progression depuis le début de la crise.
Cela fait des années que la presse nippone prédit la fin du communisme au Japon. Quelle ironie, en 2014, le Parti communiste japonais (PCJ) réalise un score qu'il n'avait jamais connu durant toute la guerre froide, à peine égalé par son record historique de 1996 (13,1 %, 26 députés).
Le PC japonais double son score : de 3 à 6 millions d'électeurs !
Les élections législatives du 14 décembre ont vu le PCJ obtenir la confiance de 6 millions d'électeurs, soit 11,4 % des voix au scrutin proportionnel. Avec 21 députés, il obtient sa plus forte représentation parlementaire depuis 1996, gagnant 13 places à la Diète.
Le PCJ connaît un boom qui a totalement pris de court les instituts de sondage. De fait, il a plus que doublé son score. En 2012, il avait obtenu 6,2 % des voix, représentant 3,5 millions d'électeurs.
Selon les analystes, le Parti communiste a su incarner l'opposition au Parti libéral-démocrate (PLD) qui passe de 27 à 33 % des voix. Parti traditionnel du capitalisme monopoliste d’État, il a pris un tournant nettement nationaliste et belliciste sous la direction de Shinjo Abe.
Il talonne désormais le parti de centre-gauche, le Parti démocrate (18 %), une opposition timide si ce n'est complaisante ainsi que l'allié du PLD, le parti religieux conservateur Komeito (13%) et enfin la formation d'extrême-droite, nationaliste et néo-libérale Parti de l'innovation (15%).
Le PCJ a visiblement su convaincre, au-delà de sa base électorale traditionnelle populaire – le Parti n'est jamais descendu en-dessous de 5 % depuis 1968 – les électeurs mécontents et indécis, par son identité de parti incorruptible et opposé au système dominant incarné par le PLD.
Non à la hausse de la TVA, au Traité trans-atlantique et à la militarisation !
Son programme, simple, reposait sur quatre « Non » à la politique du gouvernement :
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Non au pillage des travailleurs japonais au profit des monopoles : c'est le refus de l'augmentation de la TVA, déjà relevé de 5 à 8 %, et que le gouvernement veut faire passer à 10 %. Le PCJ propose à la place une augmentation du progressif Impôt sur le revenu ;
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Non à la soumission, économique et politique, à l'impérialisme américain : c'est concrètement le refus de ratifier l'Accord de Partenariat Pacifique (TPP), l'équivalent du NAFTA pour l'Europe, un traité de libre-échange pour la zone Pacifique. Le PCJ continue par ailleurs à réclamer le départ des bases militaires américaines, notamment à Okinawa ;
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Non à la relance de l'industrie du nucléaire : après la catastrophe de Fukushima en 2011, le PC japonais qui avait dénoncé la logique de privatisation du nucléaire, a proposé une sortie progressive du nucléaire ;
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Non à la re-militarisation du Japon : cela suppose un refus de la ré-écriture de la Constitution pacifique du pays, écrite après 1945. Une ré-écriture imposée par les Etats-unis, voulue par certaines fractions du capital monopoliste nippon afin de faire barrage à l'émergence de la Chine populaire ;
Ce programme a visiblement rencontré les aspirations de millions d'électeurs. Le Parti aurait aussi profiter de sa remarquable structuration, qui lui a permis de réagir vite à la dissolution surprise de l'Assemblée nationale.
A Okinawa, le candidat communiste humilie le candidat du pouvoir !
Ce succès se mesure aussi à l'ampleur d'une victoire inédite depuis 1996. Il faut savoir que le scrutin au Japon est divisé en deux parties : une pour les 2/5 ème des députés à la proportionnelle, une autre pour les 3/5 ème des sièges sur la base d'un scrutin uninominal majoritaire à un tour.
Pour le PCJ, il est très difficile voire impossible de remporter une bataille électorale au scrutin majoritaire à un tour face à la puissance des partis traditionnels (PLD, PD), et son isolement dans cette scène politique dominée par l'anti-communisme.
Pourtant, en 2014, le Parti communiste japonais a réussi l'exploit de remporter un siège. Qui plus est face au Parti libéral-démocrate (PLD), avec ses réseaux de pouvoir, son clientélisme, sa légitimité bureaucratique et traditionnelle.
A Okinawa bien sûr, où il y a quelques semaines le candidat soutenu par le Parti communiste avait déjà remporté le poste de gouverneur, ainsi que la plus grande ville de l'île.
Cette fois, c'est un communiste qui a remporté un siège de député. Seiken Akamine est un ancien professeur de collège, conseiller municipal. Il a grandi près d'une base militaire à Okinawa, et a participé dans sa jeunesse aux mobilisations contre la guerre du Vietnam.
Okinawa était jusqu'en 1972 une île sous contrôle direct américain. Elle reste une île perlée de bases américaines : 32, abritant 26 000 soldats.
Le mouvement local contre les bases, contre la guerre est puissant. Il se mobilise actuellement contre la re-location d'une base sur l'île. Il a trouvé dans le Parti communiste, un relais fiable, un point d'appui fidèle depuis des décennies dans la lutte pour la paix et l'indépendance.
« Changer de nom ? Pas question ! »
Cela fait des années que le communisme connaît un regain d'intérêt au Japon. Un intérêt qui a circulé jusque dans la presse occidentale : les traductions du Capital en manga, l'afflux de jeunes précaires vers le Parti, la renaissance de l'original marxisme nippon.
En dépit des tentatives pour minorer cet intérêt renouvelé – ce à quoi les sondages ont contribué au Japon, ils ne donnaient que 3-4 % aux communistes ! – celui-ci est désormais indéniable, pour un Parti qui compte 400 000 adhérents, avec une publication quotidienne Akahata (le Drapeau rouge), qui dépasse le million d'exemplaires.
Le PCJ a une longue, riche et fière histoire. Persécuté sous le militarisme japonais dans les années 1930 et 1940, il l'a encore été dans le Japon autoritaire sous influence américaine, en particulier dans les décennies 1940, 1950 et 1960. Il a toujours représenté le parti de la classe ouvrière et surtout de la paix, de l'indépendance – y compris face à la Chine, l'URSS – et du progrès social.
Un parti communiste qui connaît un tel succès, pour l'idéologie dominante, il doit « se moderniser », « évoluer » donc « changer de nom ». Pour le président Kazuo Shii, pas question.
En août 2013, il avait déclaré : « Ce nom, de Parti communiste, c'est le symbole d'un parti qui ne change pas de cap ». Pour lui, ces partis qui changent de nom, font des coalitions éphémères, ne récoltent que la méfiance des électeurs.Le résultat de dimanche montre que c'est bien vu !
Bravo à nos camarades japonais qui ne mettent pas leur drapeau rouge dans leur poche ! Vive le Parti communiste japonais qui, à 92 ans, connaît une nouvelle jeunesse et est plus fort que jamais pour faire barrage à la re-militarisation du pays.