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Le blog de Marc Jammet.

Le Monde Diplo. L'ardoise magique ...

22 Août 2022, 13:45pm

Publié par Marc Jammet

Dans l’heure qui suivit les attentats du 11 septembre 2001, des fonctionnaires britanniques reçurent ce message de la conseillère d’un ministre : « C’est un très bon jour pour passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre. »

Ce n'est qu'un exemple pris par Serge Halimi dans le Monde Diplo du mois d'août pour montrer comment nos gouvernants capitalistes attribuent toutes nos difficultés à un motif unique.

Comme c'est le cas aujourd'hui avec la guerre en Ukraine (de la hausse de l'énergie à la pénurie de moutarde de Dijon) ou encore le réchauffement climatique (bien pratique quand il permet de culpabiliser les citoyens sans remettre en cause les plus grands émetteurs de gaz à effets de serre que sont les entreprises) !

Une manière de berner les citoyens afin de ne jamais remettre en cause l'ordre qu'on veut maintenir - même quand les failles de celui-ci apparaissent au grand jour.

Vous trouverez, ci-dessous, cet éditorial ainsi que le lien avec le Monde Diplo auquel vous pouvez, bien sûr, vous abonner.

Attribuer toutes les difficultés du moment à un motif unique était déjà une pratique de la Rome antique. À l’époque, Caton l’Ancien achevait chacun de ses réquisitoires, quel qu’en soit l’objet, en réclamant que Carthage soit détruite. Plus récemment, en 1984, la télévision publique confia à l’acteur Yves Montand l’animation d’une émission, « Vive la crise ! », destinée à faire comprendre aux Français que tous leurs tracas découlaient de l’État-providence (1). Une purge sociale servirait donc de remède universel. Puis le terrorisme est devenu la hantise quotidienne, la nouvelle ardoise magique qui permettait d’effacer le reste. Dans l’heure qui suivit les attentats du 11 septembre 2001, des fonctionnaires britanniques reçurent d’ailleurs ce message de la conseillère d’un ministre : « C’est un très bon jour pour passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre. » Il suffirait de les attribuer à la « guerre contre le terrorisme », y compris bien entendu quand elles n’avaient aucun rapport avec Oussama Ben Laden. Tournez manège, désormais en Russie chacun des problèmes existants provient forcément des manigances de l’Occident. Pendant qu’en Occident c’est toujours « la faute à Moscou ».

Ainsi de la chute du niveau de vie. Le président Joseph Biden attribue sans se lasser à la « taxe de Poutine » sur l’alimentation et l’énergie la forte reprise de l’inflation aux États-Unis. Son homologue Emmanuel Macron prétend lui aussi que les difficultés actuelles de ses compatriotes les plus pauvres s’expliquent par une « économie de guerre ». Mais, dans ce cas, cela fait quarante ans que les Français ne connaissent plus la paix. Car la fin de l’indexation des salaires sur les prix remonte à 1982, lorsque François Mitterrand et son ministre Jacques Delors offrirent aux entreprises privées le cadeau le plus gigantesque qu’elles avaient jamais reçu de l’État. Aucun arbre de Noël ne fut en revanche dressé depuis pour les salariés, dont le pouvoir d’achat s’est trouvé durablement amputé. À l’époque, pourtant, l’Ukraine et la Russie constituaient encore un même pays, et M. Poutine n’avait toujours pas quitté sa ville natale de Leningrad… L’« économie de guerre » ne fera en somme que prolonger et accélérer l’appauvrissement des plus pauvres alors même que les profits du CAC 40 (160 milliards d’euros en 2021) viennent de pulvériser un record historique établi il y a quinze ans. Bref tout a changé, sauf la hiérarchie mondiale entre dividende et salaire. Et la détermination des gouvernants de privilégier le premier (lire « Le Comité de salut privé »). Oligarques de tous les pays…

L’ardoise magique fonctionne aussi pour l’écologie. Relance de la production de charbon, sacrifice du fret ferroviaire, fracturation hydraulique, pollutions numériques, débauche publicitaire des joailliers dans la presse et sur les murs : en ces domaines aussi, la vie continue. Là encore « à cause de Poutine » ? L’État offrira donc des ventilateurs et des bouteilles d’eau aux plus pauvres, des remises sur l’essence à ceux qui ne font pas leurs courses à vélo. Les « mesures d’urgence » se succèdent ; les mesures urgentes attendront.

Serge Halimi

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