12 octobre 1925: grève générale contre la guerre coloniale du Rif
Repris du blog de Roger Colombier.
A cette époque, le Maroc est un royaume colonisé par l'Espagne, au nord et au sud, et par la France au centre.
Celle-ci s'est arrogée la région la plus vaste, la plus fertile et riche en ressources naturelles.
Côté espagnol, Abd el Krim a débuté dès 1921 une révolte armée contre l'occupant.
L'armée espagnole va de déroute en déroute et la France s'apeure d'une contagion rebelle sur son territoire.
Prenant un prétexte, en 1925, le maréchal Lyautey, résident général au Maroc, entre en guerre contre Abd el Krim.
Mais jugé trop mou par la France, le maréchal Pétain, lui partisan de la manière forte par tous les moyens, le remplace.
Abd el Krim ne dispose que de 75 000 hommes et de seulement 30 000 fusils, la plupart pris lors de la retraite des soldats espagnols.
Face à celui qui fonde la République du Rif, un corps expéditionnaire de 250 000 soldats français aguerris et lourdement armés.
Côté espagnol, autant de soldats et le général Franco, futur dictateur de l'Espagne, qui dirige la Bandera, la légion étrangère espagnole.
L'aviation française bombarde des populations civiles et les gaze : c'est la première utilisation de ces techniques terroristes au monde.
L'Internationale communiste et donc le PCF soutiennent la révolte républicaine d'Abd el Krim.
Mais au sortir de la Première Guerre mondiale, le mouvement ouvrier français est divisé entre les socialistes (la SFIO) et la CGT, largement majoritaires à la fois réformistes et colonialistes, et le PCF fondé en 1921 et la CGTU issue d'une scision de la CGT en 1922.
Une grève générale est lancée contre cette guerre coloniale le 12 octobre 1925, par le PCF et la CGTU.
"Vive la lutte internationale des peuples coloniaux et du prolétariat mondial", avait écrit à Abd el Krim Pierre Sémard secrétaire général du PCF en septembre 1924.
La presse de la pensée unique, oui déjà, parle de "grève insurrectionnelle" pour ce 12 octobre 1925.
Lors d'une échaffourée, un ouvrier est tué à Suresnes.
La police procède à 165 arrestations pour faits de grève et 263 manifestants sont poursuivis par la justice.
Les tribunaux vont réquérir 320 années de prison.
Maurice Thorez, futur secrétaire général du PCF, écope de 14 mois fermes.
Entre 400 000 et 600 000 ouvriers se mirent en grève, principalement en région parisienne.
L'action contre cette guerre coloniale est minoritaire.
Il n'empêche, elle marque les débuts de la solidarité internationaliste et de la lutte contre le colonialisme de la part du mouvement ouvrier français révolutionnaire.
Abd el Krim se rend à la France le 26 mai 1926. Lui et sa famille sont exilés dans l'île de la Réunion.
En 1947, ayant enfin obtenu l'autorisation de s'installer dans le sud de la France, il embarque sur un navire. Mais lors de l'escale à Suez, il s'échappe. Il passera la fin de sa vie en Egypte où il préside le Comité de libération pour le Maghreb.
Il meurt en 1963 au Caire.
Le président Nasser lui accorde des funérailles nationales.
La France et le Maroc ont refusé qu'il soit enterré dans sa terre natale.
Le Maroc n'était plus sous protectorat français depuis 1956.
Sur la petite histoire que les grands, qui font la grande, ne font pas apprendre dans les manuels d'histoire: Mes deux grands-pères furent forcés de connaître cet épisode colonial de leur pays respectif.
Auguste Colombier, appelé à 18 ans et 8 mois en mai 1917 lors de la Première Guerre mondiale et rescapé de cette boucherie, croit être démobilisé le 11 novembre 1918.
Hélas, le service militaire étant toujours de 3 ans, après une courte occupation de l'Allemagne, la France le fait embarquer via l'Algérie, pour Bouarfa, localité marocaine dans laquelle une société française exploite son manganèse depuis 1913.
Pour sécuriser cette exploitation, l'armée française.
Il réembarque pour la France au début de mai 1920. Rendu à Marseille, pas plus de démobilisation.
C'est toujours sous l'uniforme qu'il garde un tunnel à Catelnaudary, dans l'Aude, son département natal.
C'est la grève générale des cheminots et l'armée a été appelée pour protéger les intérêts des sociétés de chemin de fer.
Eudaldo Casas, lui, a passé la frontière française pour vendre sa force de travail dans les houillères de Carmaux.
Il n'a que 14 ans et connu que la misère en sa Catalogne espagnole natale et les patrons miniers ont besoin de bras pour compenser les travailleurs français partis au front lors de la guerre de 14-18.
Après l'Armistice, il est chassé de la mine.
Il se retrouve dans l'océan des vignes autour de Narbonne.
Pour les patrons de la viticulture languedocienne, un journalier immigré est une aubaine: beaucoup moins payé qu'un français et plus malléable...
L'Espagne l'appelle.
La guerre du Rif a débuté et il faut protéger les intérêts mercantiles d'Alphonse XIII et du capitalisme espagnol au Maroc.
Eudaldo Casas re retrouve dans la cavalerie coloniale. Les corvées et ses séjours en prison pour ne pas trop adhérer à cette guerre coloniale, plus la malaria qu'il attrape, le font démobiliser et rapatrier sanitaire en Espagne, sans pension militaire.
Mais il échappe ainsi au désastre d'Anoual, où son régiment se fait pratiquement exterminer par la révolte rifaine.
Eudaldo Casas combattra plus tard pour la République espagnole.
Si vous rencontrez en ces lignes une ressemblance avec aujourd'hui et si vous adhérez à la lutte des classes pour un monde plus juste et solidaire, alors vous êtes mes camarades.