Un nouveau président de droite pour la Grèce qui fait polémique : le symbole douteux de l'Etat clientélaire et policier
Un nouveau président de droite pour la Grèce qui fait polémique : le symbole douteux de l'Etat clientélaire et policier
Article pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
C'est la gueule de bois. La décision de nommer Prokopis Pavlopoulos comme Président passe mal, un personnage que l'extrême-gauche a adoré détester, comme le symbole du pire de la classe dirigeante, de sa droite corrompue et encore marquée par l'héritage de la dictature.
C'est l'Union sacrée ou presque. Le candidat proposé par SYRIZA pour la Présidence a obtenu une majorité écrasante, bien au-delà du gouvernement Tsipras, avec 233 voix sur 300. Ls partis de droite ANEL (Grecs indépendants) et surtout la « Nouvelle démocratie » ont soutenu le choix de SYRIZA.
M.Prokopis Pavlopoulos jouit d'une certaine respectabilité, destinée à rassurer l'oligarchie grecque et les bailleurs de fonds : ancien ministre de l'Intérieur d'un gouvernement conservateur, juriste formé à Assas et professeur d'université en droit. Pour le premier président nommé par un « gouvernement de ('la vraie') gauche », difficile de faire plus droitier.
Alexis Tsipras présente ce choix celui comme d'une personne qui a montré sa « haute sensibilité démocratique, un sens aigu de la conscience nationale et qui bénéficie d'un très large soutien dans la société et dans le Parlement ».
Malgré les dires de leur leader, certains soulignent à SYRIZA que Pavlopulos n'a pas pris ouvertement et clairement position contre les plans d'austérité. Il bénéficie surtout de la réputation d'être un européiste convaincu.
Pour l'aile-gauche du mouvement, la décision reste en travers de la gorge. Et c'est surtout son passage au Ministère de l'Intérieur de 2004 à 2009 qui suscite le plus de controverses, écornant le « vaste soutien » que Tsipras pense reconnaître à Pavlopoulos au sein la société grecque.
Premièrement, parce qu'il est connu pour avoir été une des figures marquantes du clientélisme grec. Il a embauché à l'Intérieur plus de 80 000 fonctionnaires, dont beaucoup d'amis et partisans de droite, du parti traditionnel de la Nouvelle Démocratie.
Si la pratique était courante, elle atteignait des proportions inédites, prétexte facile pour les plans d'austérité et licenciements ultérieurs enclenchés par ses successeurs. Loin d'être un pourfendeur de l'austérité, Pavlopoulos a surtout été le pilier d'un système corrompu que Tsipras dit combattre.
Ensuite, M.Pavlopoulos avait été au cœur de la polémique qui avait frappé la en Grèce, en 2008 étant un des éléments déclencheurs des manifestations des années suivantes : l'assassinat par les forces de police du jeune de 15 ans, Alexandros Grigoropoulos.
Le Ministre de l'Intérieur avait alors été critiqué pour avoir couvert le rôle de la police dans cet assassinat, qui avait déclenché une série d'émeutes urbaines durement réprimées par une police encore héritière sur bien des aspects des pratiques brutales de celle de la dictature.
Enfin, plus récemment, bien que ce soit plus anecdotique, la population grecque avait été choquée en 2012 par l'agression sur un plateau télévisé du porte-parole du parti néo-nazi Aube dorée, Ilias Kasidiaris, contre la députée communiste Liana Kanelli, sous les yeux de Pavlopoulos.
Accusé par Rena Dorou, de Syriza, le responsable néo-nazi lui avait jeté un verre d'eau au visage avant de s'en prendre à sa voisine communiste et de la frapper trois fois en plein visage.
M.Pavlopoulos n'était alors pas intervenu, restant stoïque face à l'agression dont étaient victimes les deux femmes politiques de gauche mais en particulier la députée du KKE, suscitant une polémique dans les médias, bien que Pavlopoulos ait reconnu par la suite avoir été choqué par le comportement du cadre de la formation néo-nazie.
Le plus inquiétant est que Prokopis Pavlopoulos n'était peut-être pas le premier choix de Tsipras.
Selon certaines sources, il aurait envisagé d'accorder la place à Kostas Karamanlis, le cacique de la Nouvelle démocratie, ancien premier ministre de 2004 à 2009, issu de la dynastie de droite des Karamanlis, dont l'oncle fut à plusieurs reprises Premier ministre de 1955 à 1981. Et il aurait été écarté pour ses relations jugées trop cordiales avec la Russie de Poutine.
Ce qui est certain, c'est que le poste avait été ouvert d'abord pour Dimitris Avramopoulos, une des figures les plus établies de la droite grecque: ancien maire d'Athènes, il fut surtout entre 2011 et 2013 ministre des Affaires étrangères et deux fois Ministre de la Défense.
Il représentait une option plus sûre par ses positions et ses relations au niveau de l'Union européenne comme de l'OTAN – et un appel du pied décisif vers le compromis européen de la part de Tsipras – mais Jean-Claude Juncker aurait mis son veto, ne voulant pas se séparer de celui qui était devenu le Comissaire européen à l'Intérieur depuis 2014.
L'illusion lyrique n'aura décidément pas duré longtemps. Les vieux renards (de droite) de la politique grecque gardent les postes de pouvoir, l'Etat clientaire se recompose doucement avec un nouveau pôle de gauche. Gare à la désillusion, et à la déception des attentes du peuple grec.